2013 – Libéré! Livré à soi-même? Oublié!?

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Du passage de la détention à la liberté

JEUDI 2 mai 2013

Le jeudi a été consacré à l’arrivée au wannseeFORUM à Berlin et en partie à une visite touristique de Berlin, la capitale allemande.
Comme les années précédentes toutes les personnes présentes se sont retrouvées, le soir, dans la salle de réunion pour être saluées par Wolfgang Krell, le président du Forum européen. Puis vint le tour de table habituel où les participants se sont présentés, tour de table qui fut suivi d’un temps de partage convivial.

VENDREDI 3 mai 2013

La matinée a été consacrée aux « visites » des deux établissements pénitentiaires: celui de Berlin-Plötzensee et un établissement pour jeunes. Les participants ont été répartis en deux groupes. La possibilité leur a été offerte de s’informer en profondeur sur ce qui se fait dans ces prisons.
Le repas de midi a été pris dans les prisons respectives. Après le retour au wannseeFORUM et une pause de midi bien méritée dans le jardin ensoleillé du lieu d’accueil le programme a continué.

A 15h Madame Gerlach a salué les participants au nom du Sénat pour la Justice de Berlin.

  • Vin alors l’intervention de Madame Jesca Beneder. Madame Beneder, juriste travaillant à La Direction Générale Justice de la Commission européenne, a présenté 3 décisions-cadres de l’Union européenne concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle à différents jugements et décision:
  • Jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (décision-cadre 2008/909/JAI)
  • Jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (décision-cadre 2008/947/JAI) et
  • Décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire (décision-cadre 2009/829/JAI)

Dans tous les cas il s’agit du renforcement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice pour tous les citoyens européens.
Une procédure écrite certifiée ainsi que des délais précis doivent être respectés pour garantir une application correcte des décisions.
Ces décision-cadres devraient permettre de protéger et de renforcer les droits des justiciables dans l’espace européen, limiter les effets négatifs de la détention provisoire applicable à la seule fin de garantir la procédure judiciaire, faciliter la réhabilitation (réintégration) des personnes condamnées en leur ouvrant la possibilité de subir leur peine dans leur pays d’origine ou lieu de séjour permanent et ainsi de maintenir plus facilement les liens familiaux, et enfin de pouvoir profiter, là aussi dans leur pays d’origine ou lieu de séjour permanent, de mesures de probation ou de peine de substitution.

Après un échange fertile et une pause –café ce fut au tour de Madame Gabriele Grote-Kux, responsable du département travail social, partenariats européens et relations publiques stratégiques du Sénat pour la Justice et la protection des consommateurs de Berlin d’intervenir. Elle nous a présenté, au cours d’un exposé très informatif, les expériences qu’elles a pu accumuler sur le thème du passage de la détention à la liberté lors de plusieurs déplacements en Europe. A chaque fois elle a pris conscience du fait que ce sujet est très complexe et que toutes les institutions qui participent de ce procès doivent être prêtes à dialoguer afin de garantir un passage réussi de la détention à la liberté.

Les résultats obtenus par son travail ont conduit à la formulation de ladite « déclaration berlinoise » dans laquelle sont décrits les standards nécessaires pour que le passage de la détention à la liberté réussisse. Il est clair, cependant, que tous les bons projets européens ne peuvent devenir la règle. Elle présenta ensuite divers projets en provenance de la Grande-Bretagne, de la Norvège, le du Danemark, de la Finlande et des Pays-Bas. A plusieurs reprises elle a insisté sur l’importance d’un bon travail auprès des familles et proches de personnes détenues. Elle a souligné aussi que la bonne collaboration des différentes institutions en charge de la resocialisation des détenus constituait un élément commun important aux divers projets dans les pays européens. Dans ce contexte on a formulé en tant qu’éléments importants pour le processus de réintégration :

  • Un consensus sociétal
    • La resocialisation en tant que programme de prévention au niveau communal
  • La prise de conscience qu’il faut passer par des processus globaux de la part de toutes les administrations
  • La reconnaissance d’une implication, dès que possible, de personnes externes.
    Le tout fut suivi d’un échange très constructif qui mit fin à la première journée.

SAMEDI 4 mai 2013
La journée du samedi a été consacrée à la présentation du passage de la détention à la liberté dans différents pays européens.

Daniel Vonthron de Colmar était chargé de présenter la question du point de vue français. Comme il était souffrant il n’a pu intervenir personnellement. Mais son intervention a été présentée par Wolfgang Krell.

Au début de son intervention Monsieur Vonthron a souligné que la réinsertion constituait l’une des deux missions centrales des acteurs du champ pénitentiaire. En France, la mission de réinsertion est confiée au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Les SPIP sont nés de la fusion de deux services et ont été créés en 1999.

Les collaborateurs du SPIP prennent en charge des personnes sous main de justice (en détention provisoire ou condamnées) avant et après le jugement et préparent la sortie de prison. Pour ce faire il s’agit d’élaborer un plan d’exécution de la peine et de retour à la liberté. Le plan doit tenir compte de la situation individuelle de chaque personne en proposant des mesures pour le retour à la liberté qui soutiennent la réinsertion sociale et la prévention de la récidive.

Le processus se divise en quatre phases qui structurent le passage de l’intérieur vers l’extérieur :

  • La phase d’observation et de diagnostic
  • La phase du suivi
  • La phase de la décision judiciaire de la sortie de prison et
  • La phase de post-libération

Dans le cas de courtes peines privatives de liberté la préparation à la sortie s’effectue dès l’incarcération et doit permettre de l’inscrire dans un projet. Le but est d’obtenir un aménagement de sa peine ou dans les 4 mois qui précèdent la levée d’écrou ou un placement sous surveillance électronique. Bien que le SPIP soit compétent pour améliorer l’application des mesures et de la peine, il s’appuie sur un réseau de partenaires appartenant à diverses institutions ou associations pour préparer la sortie et se charge de la mise en réseau.
Les associations et groupes privés soutiennent le SPIP dans l’accompagnement des personnes sous main de justice.
Là encore on constate qu’il est important de mettre en place un réseau partenarial adapté et diversifié pour permettre, dans le cadre d’un aménagement de peine ou de la libération, la réintégration des personnes sous main de justice.

Les aménagements de peine sont :

  • La semi-liberté
  • Le placement extérieur
  • Le bracelet électronique.

L’absence d’une place de travail ne constitue plus un empêchement pour un assouplissement.
Pour des détenus âgés on a introduit une nouvelle forme de libération conditionnelle.
Indépendamment de la longueur de la peine il est possible de libérer avant terme des détenus de plus de70 ans à partir du moment où leur intégration ou réintégration est assurée.
Bien que la France dispose actuellement de mesures adaptées au profil des personnes condamnées et que l’accès à ces mesures ait été facilité seules 10% des détenus sont libérés avant terme. 80% des personnes condamnées subissent leur peine jusqu’au dernier jour.

Martin Erismann a, quant à lui présenté, à titre d’exemple pour ce qui passe en Suisse pour le passage de la détention à la liberté, ce qui se pratique à Zurich. En tant que responsable il a décrit le travail fait par team72 qui est né en 1972 d’une initiative lancée par d’anciens détenus.

Team72 propose un service de probation semi-stationnaire. L’un des points forts de son travail est de résoudre les nombreux problèmes de coordination. Il s’agit en partie de problèmes en lien avec la protection des données personnelles. Cependant ce sont les services sociaux des prisons qui sont compétents pour le passage de la détention à la liberté.
A Zurich aussi les problèmes sont dus à un manque de communication interinstitutionnelle. L’accès restreint au logement constitue un facteur négatif.

Cependant le fait de pouvoir stabiliser les personnes accompagnées grâce à une bonne prise en charge médicale et à des offres de thérapie faciles d’accès est un fait positif.
Après avoir présenté d’autres facteurs aussi bien positifs que négatifs pour la réussite du passage de la détention à la liberté l’intervenant a présenté les services proposés par team72 :
Hébergement semi-stationnaire (16 places), ergothérapie (8 places). De plus certaines places sont réservées à des nuitées de courte durée.
Les services ambulatoires sont constitués d’un centre d’information où les justiciables peuvent être conseillés ainsi que d’un service pour bénévoles qui est responsable de la coordination et de l’accompagnement des bénévoles dans le pénitentiaire à Zurich.
En ce qui concerne les perspectives à venir dans le monde pénitentiaire en Suisse M. Erismann a décrit combien les débats, dans le domaine de la politique criminelle, tournent autour d’un renforcement de la répression et d’une perte de tolérance à l’égard des justiciables. C’est moins l’intégration sociale que le traitement médico-psychologique qui retient l’attention. Les sortants de prison ne disposent pas de lobby.
Pour finir l’intervenant a proposé pour optimiser le passage de la détention à la liberté que celui-ci soit plus coulant. Pour ce faire il faudrait augmenter les services proposés par des instances externes ou des institutions proposant des services semi-stationnaires. L’essentiel dans le cadre d’un système d’aide devrait être l’amélioration des liens sociaux.

David Urban est intervenu après le repas de midi sur ce qui se passe en République Tchèque. Tout d’abord il a décrit la situation des prisons tchèques. Puis il nous a informés sur l’amnistie prononcée par le Président Václav Klaus le 1er janvier 2013. Les services pénitentiaires ont fait des économies de 7,2 millions d’€. Trois jours après la libération 22 détenus ont été réincarcérés. D’autres détenus ne voulaient pas sortir car ils n’avaient ni argent, ni travail, ni logement et aucun médicament. On leur avait tout simplement remis 40 Euro. L’intervenant a dit que cette libération s’est faite trop vite et n’avait pas été préparée.

Peu d’organisations ont accès à la prison en République Tchèque pour s’occuper des détenus. Il existe les organisations suivantes : Le centre RUBIKON, une organisation étatique, des prêtres et diacres, la Diaconie, la Caritas, le Cercle Blanc. La préparation à la sortie s’effectue dans les 6 mois qui précèdent la libération. Les services sociaux collaborent à cette préparation mais aussi des bénévoles et des organisations confessionnelles (mais ceci de manière très limitée). Après la sortie on propose une aide par le biais d’une collaboration entre les travailleurs sociaux et le pôle emploi mais aussi des bénévoles. Cependant il y a souvent des problèmes en lien avec le fait que les demandeurs d’emploi ont un casier judiciaire qui n’est pas vierge ou en raison de leur manque de motivation.

L’organisation RUBIKON fut alors présentée. Elle compte 25 employés et 150 personnes externes, elle est active depuis 1994. Ses champs d’intervention sont la prévention de la récidive et l’intégration sociale et au travail. 10.000 clients dont 30% se trouvent en prison et 70% à l’extérieur ont fait l’objet d’une prise en charge. 70% des personnes ont trouvé une activité. RUBIKON dispose d’une agence pour l’emploi. De plus on travaille avec les victimes et une aide en cas de surendettement. RUBIKON reçoit de l’aide de la part de la Suisse.

Le passage de la détention à la liberté en Allemagne a été présenté par Gisela Ruwwe sur la base de son travail au sein de l’association d’aide aux justiciables catholique de Düsseldorf. Elle a commencé par donner quelques informations sur des données relatives au monde pénitentiaire en Allemagne ainsi que sur les bases légales. C’est le service social de la justice qui est en premier lieu compétent pour préparer la sortie. D’autres services (psychologues, ateliers, éventuellement des représentants d’associations d’aide aux justiciables, services d’aide ambulatoire de la justice, aide aux personnes dépendantes des drogues) y participent aussi. Ils entretiennent des contacts avec les détenus.
Pour les personnes condamnées on devrait offrir aux détenus condamnés une place de travail dans la prison (pour autant qu’il y en ait ; à Düsseldorf seul 1/3 des détenus en a une). Un soutien au niveau scolaire, de la formation professionnelle, en cas de surendettement et, si besoin, une thérapie pour les personnes dépendantes de différentes addictions ou une sociothérapie sont aussi proposées.
S’y ajoutent des permanences assurées par le pôle emploi, le Jobcenter, le service au logement, le service de santé publique (substitution), l’aide en cas de surendettement par le Secours Populaire, l’aide en cas de dépendance aux jeux de hasard, le centre d’accueil pour les personnes séropositives, centres d’accueil de nuit. D’autres intervenants extérieurs disposent d’un bureau dans la prison Certaines institutions interviennent sur demande. La collaboration entre ces services est bonne. Mais les groupes sont restreints et la liste d’attente très longue. La personne détenue doit toujours introduire une demande écrite. Ceci vaut aussi pour les personnes qui vont être libérées. Il faudrait absolument régler, durant le temps de détention, les questions de papiers d’identité (carte d’identité ou passeport) de titre de séjour pour les étrangers (limité ou non dans le temps, autorisation de travail), les certificats de travail (y compris ceux relatifs au travail dans la prison) pour les requêtes auprès de pôle emploi.
Trouver un logement relève de l’impossible lorsqu’on est en détention. Au sein de la prison deux collaborateurs se chargent de trouver un emploi dans la prison mais aussi pour des mesures en lien avec une formation professionnelle ou encore scolaire.
En cas de montants peu importants Madame Ruwwe s’occupe des questions de surendettement. Sinon une collaboratrice du Secours Populaire de Düsseldorf vient régulièrement à la prison. Pour les personnes dépendantes de la drogue deux surveillants formés pour ce faire ainsi que des collaborateurs d’un centre d’aide pour personnes dépendantes de la drogue interviennent dans la prison de Düsseldorf.
Les dernières années on remarque une augmentation du nombre de détenus atteints de troubles psychiques. Actuellement le quartier sous haute surveillance est occupé en majorité par de telles personnes et non pas des détenus particulièrement « dangereux ».
Pour les détenus qui ont une famille on propose des journées familles. Le programme est fixé en fonction des enfants. Les visiteurs de prison sont les interlocuteurs privilégiés des détenus qui sont sans famille ou sans contacts. Les sortants de prison qui sont libérés sans y avoir été préparés ne peuvent être logés que dans des hébergements de nuit car il y a de très longues listes d’attente pour obtenir une place dans un lieu d’hébergement provisoire. Malgré une longue collaboration avec le service du logement il devient de plus en plus difficile de trouver un appartement à loyer modéré.
En ce qui concerne les sortants de prison le délai entre le moment où une demande d’aide au chômage est introduite et où celle-ci est payée est par expérience de 6 à 8 semaines. Les personnes sont sans ressources et doivent se rendre à la banque alimentaire ou dans de lieux de soupe populaire.
90% des personnes qui se présentent dans notre centre d’accueil ne disposent d’aucun certificat scolaire ou de formation professionnelle.

Pour le travail de l’association catholique d’aide aux justiciables mais pour tous aussi il est tout aussi important de sensibiliser l’opinion publique que d’organiser au mieux le passage de la détention à la liberté.

DIMANCHE 5 MAI 2013
Le colloque s’est terminé le dimanche après un service œcuménique et un petit-déjeuner pris en commun.