2006 – Le public: un partenaire?

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Les relations entre les médias et la Justice

Après 2003, le forum européen de politique criminelle appliquée organisait pour la deuxième fois le colloque européen annuel de l’association du 4 au 7 mai 2006 en Suisse.
Sous le plus beau soleil, le colloque a commencé avec l’arrivée des participants dans l’hôtel Alvier à Oberschan dans le canton St. Gallen.
Après un dîner commun, nous avons assisté à la réunion avec la présentation des participants. Ensuite, nous eûmes la possibilité de nous connaître dans une atmosphère détendue et amicale qui se déroula de la sorte.

Le vendredi matin, tous les participants sont allés en bus à l’établissement pénitentiaire cantonal à Saxerriet. Là, après l’ouverture officielle par la présidente Anne-Marie Klopp, les participants ont été accueillis par un représentant officiel du canton St. Gallen, Dr. Hans-Rudolf Arta, ainsi que par le directeur de l’établissement pénitentiaire cantonal Saxerriet, Martin Vinzens.

Le premier intervenant du jour était le correspondant juridique du quotidien « Blick », Viktor Dammann, qui, avec son exposé de principe, a pris position sur le thème du colloque en rapport à la presse.
Il a évoqué quelques cas individuels afin de représenter de façon concrète la méthode de travail d’un journal de boulevard.
Monsieur Dammann a représenté les différences qui existent avec d’autres journaux de la presse quotidienne au moyen d’une présentation et d’une maquette. Ainsi, il a expliqué la technique de « l’agrandissement » (Auskästeln),qui consiste à représenter un thème dans plusieurs compartiments avec relativement peu de phrases, ce qui illustre parfaitement les différences avec la presse quotidienne. Avec la phrase « ils existent des milliers d’histoires dans les établissements pénitentiaires, cependant on en a connaissance d’une infime partie », monsieur Dammann a plaidé en faveur d’une coopération entre la presse et la justice. A titre d’exemple, nous avons vu un reportage sur la boulangerie d’une prison, qui fait du pain pour la police. Celui-ci constitue une représentation très positive du travail d’une prison dans la presse. Grâce à cet exemple, il est devenu clair que les contacts avec la presse et la communication en général sont nécessaires pour les établissements pénitentiaires, dans la mesure où l’on peut donner au public une représentation du travail pratique des détenus.

Au cours de l’exposé suivant, le directeur de la maison de l’exécution des peines Saxerriet, Martin Vinzens, a présenté le travail au sein de son établissement pénitentiaire.
La construction de cet établissement pénitentiaire, dans lequel se trouvent actuellement 130 détenus, a été réalisée sur base d’un concept spécifique. Le concept de communication de l’établissement pénitentiaire forme un cadre pour la coopération avec les médias. Une fois par an, une conférence médiatique est organisée par rapport à un thème défini.
En 2006, le thème « des personnes âgées en détention » a été présenté.
De plus, la revue d’information « Baustein » est publiée et pendant la période de Noël, des cartes de Noël avec un appel de donation sont envoyées à la population. L’argent, ainsi obtenu sert au travail des détenus ainsi qu’à l’aide des membres de la famille.
Ensuite, il y avait une présentation du concept carcéral, par écrit, au sein de l’établissement pénitentiaire Saxerriet ainsi qu’une présentation du programme de réparation, désigné par Monsieur Vinzens comme « le navire vaisseau amiral » du travail de l’établissement pénitentiaire. Le programme de réparation (PR) se fonde sur les six points suivants: Règlement de dettes, Régénérer la problématique des victimes, Utilisation partielle de la part de gains pour la réparation, une capacité gratuite en faveur du public, une performance externe au moyen des gains pour le PR, un PR-projet individuel.
D’autres détails intéressants se trouvent sur le site de l’établissement pénitentiaire Saxerriet sous
saxerriet.sg.ch.

Une visite guidée très informative par les différentes sections de  l’établissement pénitentiaire a achevé cette première journée du colloque. A cet égard, un grand merci aux collaborateurs de l’établissement pénitentiaire Saxerriet, qui nous ont très bien informés.

Avec son exposé principal concernant le point de vue de la justice par rapport à notre thème du colloque, le représentant ministériel Harald Preusker du ministère de justice de la république de Saxe, a débuté la journée du samedi.
En guise d’introduction, l’intervenant a précisé que l’exécution de la peine ne devrait plus servir aux représailles et ni représenter une simple conservation des prisonniers. Cependant, le soutien de la société pour un système carcéral ayant pour but la resocialisation a diminué de façon dramatique. Au niveau irrationnel, l’idée par rapport au criminel est surtout marquée par un besoin de représailles. Au plan rationnel, il est toutefois incontesté que la répression n’apporte pas d’effet d’amélioration. À cet égard, l’importance des médias comme source d’informations ne cesse pas d’augmenter. Monsieur Preusker a donné un bref aperçu de la position constitutionnelle des médias en Allemagne. En corollaire de la protection constitutionnelle, un haut degré de responsabilité et d’obligation en ce qui concerne la vérité/précision et la sincérité a été transféré aux médias.
Néanmoins, il faut constater que la représentation de la criminalité, des délinquants et du milieu pénitentiaire dans les médias enfreint souvent à ce devoir de vérité et sincérité. La criminalité est réduite aux homicides, actes violents et infractions à caractère sexuel et présentée comme quelque chose d’extraordinaire dans une société de masse. Des notions comme « monstre » ou « individu bestial » produisent des craintes et des bouc-émissaires. La réponse à la question de savoir pourquoi les médias se focalisent si fortement sur des crimes et des criminels, se trouve, selon Monsieur Preusker, essentiellement dans le comportement des consommateurs. Ceux-ci et pas les médias sont avides de violence. Par rapport à la question de ce qui peut être fait, Monsieur Preusker a exposé que les relations publiques doivent viser à démonter les préjugés, faire disparaître les déficits d’informations et livrer des informations complètes. Ce n’est que par des informations bien présentées et complètes que nous pourrions faire passer le message au citoyen du carcéral visant à resocialiser est plus utile que les peines plus dures et plus longues. Une communication plus intensive et une utilisation plus professionnelle des médias sont importantes.
La communication doit devenir moins bureaucratiques et les représentants médiatiques doivent plutôt être considérés comme des partenaires et non pas comme adversaires.

La Juriste Béatrice Taevernier a traité la situation en Belgique dans son exposé. Il y a environ 10,5 millions d’habitants dont 9375 arrêtés (une hausse de 14% au cours des 7 dernières années) et 277 détenus sous surveillance électronique.

La presse belge s’intéresse clairement à la justice et l’activité des autorités judiciaires. En outre, on constate régulièrement des conflits entre la nécessité d’informer par l’actualité et la présomption d’innocence resp. la vie privé des participants ainsi que du secret de l’instruction.
Ensuite, mme Taevernier évoquait l’organisation de la justice et exposait qu’il y a des portes parole professionnels auprès des autorités judiciaires. Ceux-ci sont désignés au sein d’une juridiction pour communiquer à propos d’affaires importantes pendantes. Ainsi, le ministère public communique p.e. des indications objectives sur des affaires d’intérêt général, compte tenu de la vie privée. Toutefois, la presse ne se contente pas souvent de ces informations, de sorte qu’il y a toujours à nouveau des atteintes par la presse de la vie privée des participants et donc également des infractions à la présomption d’innocence. À cet égard, on a par exemple constaté que les parties civiles ont fait parvenir des informations sur l’identité des participants à la presse. En particulier la reproduction des images des personnes suspectes et l’intrusion de la télévision dans les cours sont problématiques.
La déontologie des journalistes est aussi en Belgique une mesure pour prévenir les atteintes de la presse dans la vie privée des participants. Toutefois, il y en a encore des améliorations à envisager.
Pour finir, Mme Taevernier a présenté les résultats d’une étude, dans laquelle on a examiné la corrélation entre le degré de médiatisation et le degré de la peine dans une affaire. Mme Taevernier a constaté que plusieurs mesures proactives de la justice s’imposent pour remédier plus efficacement contres les atteintes à la vie privée et son droit à un procès équitable.

Dans son exposé, monsieur Joe Keel, directeur de l’exécution des peines et des mesures dans le canton St. Gallen, évoquait tout d’abord les bases constitutionnelles en Suisse. La structure de la Suisse est fédéraliste et organisée selon trois niveaux politiques : la fédération, les cantons et les municipalités. Environ 7,4 millions de personnes vivent en Suisse avec une proportion d’étrangers d’environ 20%. On parle quatre langues.
Dans le domaine du droit pénal, on voit une répartition des tâches entre trois niveaux : la fédération, les concordats d’exécution (union de plusieurs cantons) et les cantons.
Après une présentation du déroulement d’une procédure pénale, Monsieur Keel a poursuivi avec un aperçu du paysage médiatique en Suisse. Par rapport aux médias, il a renvoyé à son rôle comme quatrième force dans l’État et cela comme décharge de la liberté d’opinion.
Des prises d’image et l’enregistrement magnétique au sein du palais de justice ne sont admises qu’avec l’autorisation de la direction de la procédure. La possibilité d’informer le public existe dans une procédure d’instruction.
Toutefois, la présomption d’innocence doit être prise en compte d’une manière stricte. C’est uniquement avec des réserves, qu’on fait usage de la possibilité d’informer le public des procédures pénales courantes. Avant une communication médiatique, il faut, autant que possible, donner la possibilité d’une prise de position aux parties concernées. Le concerné n’a normalement pas de possibilité de s’opposer à des communications et conférences médiatiques. Néanmoins, les médias doivent par principe prendre en compte le principe de la présomption d’innocence.

Le compte-rendu juridique présente une partie particulière de la procédure publique. Ainsi, la cour peut en excluant le public de l’audience, toutefois permettre les représentants médiatiques. Dans ces cas, les représentants médiatiques ont une responsabilité particulière, puisqu’ils ne peuvent pas sortir des propos ni exposer les concernés inutilement. En principe, aucune identification est effectuée. En outre, des rapporteurs accrédités (autorisation par la cour de canton)peuvent obtenir la possibilité de l’examen du dossier. De plus, la permission à des négociations non-officielles est possible. Pour finir, Monsieur Keel a expliqué clairement que les médias sont considérés comme des partenaires et utilisés comme « moyen de transport » important pour des relations publiques et l’information à la population. Pour cela, on transmet régulièrement et de manière offensive p.e. dans le cadre des conférences médiatiques des informations.

Après une introduction personnelle et une rétrospective historique de larépublique tchèque, le diacre Dr. Lubomir Bajcura exposait que la société démocratique actuelle dans la république tchèque est plutôt réservée par rapport aux pouvoirs publics et à la justice. A cela s’ajoute que la jeune génération n’accepte pas automatiquement les modèles actuels de société. Les organismes d’Etat et les médias devraient par des mots et des actes convaincre l’opinion publique, les gouvernements et les autorités nationaux, ainsi que les prisons agissent pour le bien-être du public.
A côté d’une Cour constitutionnelle, les tribunaux civils, les tribunaux pénaux, les tribunaux administratifs et l’arbitrage font partie du système juridique de la république tchèque. Depuis l’an 2000, le service de probation et de médiation (aide de la libération conditionnelle) appartient également au système de justice tchèque.
En ce qui concerne le paysage médiatique dans la république tchèque, monsieur Bajcura a précisé que la majorité de la presse se présente de façon politiquement indépendante.
Les relations du carcéral vis-à-vis du public se sont améliorées dans les 15 dernières années. Malgré tout, il est courant de lire que les détenus vivent beaucoup trop bien. Sur base de quelques expériences négatives avec des journalistes, les relations vis-à-vis des médias sont plutôt prudentes et tactiques.
Les journalistes sont en quête de sensation. Toutefois, l’influence des médias sur le travail de l’administration pénitentiaire est plutôt positive. Les employées sont conscients qu’ils sont soumis à un contrôle constant par les médias. C’est pourquoi une grande qualité dans l’exercice du service devient nécessaire. On organise dans les prisons des conférences de presse et on informe les médias. La formation de portes parole officiels est mise en oeuvre et est nécessaire pour un travail professionnel. Par cette coopération professionnelle, les médias transmettent des informations sérieuses au public.
Un autre rôle important dans l’information du public a été pris par la présence de l’administration de la justice sur les sites internet.

Cette année, la présentation de la situation en France venait de l’anthropologue Philippe Pottier. Pour des raisons professionnelles, il ne pouvait pas être personnellement présent, de sorte que son exposé a été présenté par la socio-psychologue Nathalie Lionet-Przydogzki. Le 01.01.2006, la France comptait environ 62,9 millions d’habitants. La population est croissante, entre autres par le taux de fécondité, qui est nettement au-dessus de la moyenne européenne.

À cet égard, monsieur Pottier expliquait qu’en France, malgré les développements positifs, il y a une certaine crainte par rapport à l’avenir. A cela correspond un changement des structures d’autorité en France. Dans cet Etat traditionnellement très centralisé, des tâches et des compétences sont déléguées de plus en plus aux municipalités/collectivités locales et donc de plus en plus décentralisées.
Le nombre actuel des détenus s’élève à environ 59.000 personnes.

C’est un taux de détenus « moyen » si l’on compare à d’autres pays européens. En France, la presse régionale joue le rôle principal. Les quotidiens nationaux, fréquemment cités dans l’étranger, jouent seulement un rôle médiocre dans le paysage médiatique national. Le rôle principal incombe aux émetteurs de radio et de télévision. Les informations télévisées dominent, tandis que les informations des quotidiens et des revues les complètent seulement.

La criminalité occupe une place prépondérante dans les médias télévisés nationaux. La plupart du temps, on parle de la délinquance sexuelle et de la délinquance juvénile. « L’affaire d’Outreau » a été pris comme exemple. Plusieurs personnes d’un même immeuble avaient été accusées de viols sur des mineurs et incarcérés préventivement. Les reportages télévisés les avaient présentés dès le début comme des coupables. Aujourd’hui, après la fin du procès, presque toutes les personnes ont été relaxées. La relation entre la justice et les médias doit être qualifiée comme méfiante et prudente. À cela s’ajoute que chaque communication aux médias doit être autorisée par un supérieur régional ou national.

Pour finir, monsieur Pottier a aussi préconisé de se tourner et/ou d’aller vers les journalistes et les médias. Il s’agit de montrer aux médias que les choses de la justice sont plus compliquées et de veiller à ce que les thèmes soient présentés d’une manière professionnelle, réfléchie et motivée correctement afin de prévenir une polémique inutile de ces thèmes extrêmement importants.

Hans-Peter Johannsen, directeur de la direction de la police Husum, a fait part dans son exposé (national) le point de vue, que la police en Allemagne, en tant que porteuse du monopole de la violence, est soumise à un contrôle public sévère et qu’aucune autre administration que la Police n’est tant soumise au regard du public.
La réalisation professionnelle de l’ordre juridique et les règlements constitutionnels du droit de presse forment le cadre pour la coopération entre la police et les médias, et représentent en même temps une obligation de collaboration pour la police.
Un regard dans le paysage médiatique montre que les médias en Allemagne sont omniprésents. Il s’agit d’une infinité de produits de la presse écrite, mais également d’émetteurs de radiodiffusion et de télévisions étatiques ou privées. La criminalité joue un rôle très grand. Les reportages relatifs à la délinquance sexuelle sont très répandus. Le monde est de plus en plus proche dans cette ère médiatique et une nouvelle en provenance d’un lieu voisin met autant de temps à parvenir qu’une nouvelle de l’autre bout de monde. Pour pouvoir représenter les relations publiques de la police, il faut constater que la police en Allemagne relève des Länder. La fédération a pour exécuter ses tâches spéciales la Police Fédérale (l’ancienne Police des frontières) et le Bundeskriminalamt. Au sein de la police moderne, les relations publiques sont indispensables. Ainsi, aujourd’hui – contrairement aux années soixante-dix – la communication entre citoyens et la police constitue plus que jamais la base de la réussite de la police dans l’exercice de ses fonctions. La suite logique est comme suit : « Rend ton action aussi transparente que possible et ainsi compréhensible pour chacun ».
Pour la réalisation des relations publiques de la police, il y a un règlement homogène au niveau fédéral qui règle les principes des relations publiques.
Les médias travaillent également avec des principes dans la forme des « directives pour le travail publicitaire après les recommandations du conseil de presse allemand ».
A Schleswig-Holstein, comme dans toute les autres Länderpolizeien, tous les niveaux hiérarchiques disposent des postes de presse et des portes parole, qui traitent leurs relations publiques sur base d’un concept applicable à tout le Land.
La promotion de la communication avec les citoyens ainsi que la garantie des demandes d’information des médias sont de la plus haute importance. De façon exemplaire, on a parlé de l’utilisation de « Original Text Service (OTS) », avec lequel les portes parole de la police ajustent eux-mêmes les textes, qui sont ensuite directement transmis à l’agence de presse allemande et qui sont prêt à l’utilisation. Pour finir, la constatation était que la Police a reconnu, elle-même, que son travail « ne vaudrait que la moitié » s’il n’était pas accompagné par les médias.

Le forum européen pour la politique criminelle appliquée remercie cordialement le coopérateur prison cantonale de Saxerriet / CH pour le soutien amical!

Toutes les interventions peuvent être téléchargées ici:

2006 Exposé Preusker       2006 Exposé Taevernier

2006 Exposé Pottier           2006 Exposé Johannsen